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Le musée des arts décoratifs à Genève

Dernière mise à jour : 22 juin 2020

Une vitrine des producteurs, du savoir-faire suisse et en particulier genevois


Ill. 1. Le bâtiment de l’école d’horlogerie de Genève construit en 1879 dans lequel le

musée prendra initialement place. Auteur inconnu, après 1879, 171 mm x 229 mm, Gélatino-bromure sur papier, inv. ig 2000-003 44, © Centre d'iconographie genevoise, Bibliothèque de Genève.

« maintenir les industries artistiques existantes et leur progrès, par la consultation et la vue des produits similaires étrangers, et de faciliter l’étude des œuvres d’artistes anciens ou modernes. Il doit développer le goût en général et ouvrir au producteur et à l’ouvrier des idées nouvelles pour la prospérité de nos industries nationales » (Buyssens 2019, 257).

Le musée genevois des arts décoratifs ouvre ses portes le 2 novembre 1885 dans le quartier populaire et industrieux de Saint-Gervais, où il occupe quatre salles dans le bâtiment de l’École municipale d’horlogerie, achevé sept ans plus tôt. La dénomination du musée varie pour se fixer définitivement sur le Musée des arts décoratifs, et il a pour but de « maintenir les industries artistiques existantes et leur progrès, par la consultation et la vue des produits similaires étrangers, et de faciliter l’étude des œuvres d’artistes anciens ou modernes. Il doit développer le goût en général et ouvrir au producteur et à l’ouvrier des idées nouvelles pour la prospérité de nos industries nationales. ». L’une des fonctions principales du musée est donc son rôle éducatif revendiqué par son premier directeur, Jules Georges Hantz (1846-1920).


Ill. 2. Plan du quartier Saint-Gervais en 1841, sur la rive droite de Genève.


En effet, Hantz a joué un rôle décisif dans l’implantation du musée à Genève. Depuis sa victoire en tant qu’artisan du premier concours Galland grâce à son petit meuble néo-Renaissance réalisé avec 28 collaborateurs, il affirme son souhait de collaboration entre artistes et ouvriers. Dès lors, la collection du musée reflète cette envie d’éduquer sur les collaborations possibles des différentes industries artistiques. Les deux points forts de cette collection sont la collection nombreuse d’estampes décoratives et la bibliothèque, ce qui la rend très importante comme instrument de travail pour le public constitué à la fois de producteurs et d’amateurs. Alors que les ressources de la bibliothèque proposent des revues programmatiques, de spectaculaires recueil d’ornements ou encore des ouvrages plus théoriques, les objets de la collection se contentent pour la plupart de reproductions, de moulages, et de photographies. Cette opposition entre objets de savoir et objets d’art est très présente dans le musée, et cette collection s’enrichira tant par des achats que par des dons. L’enseignement technique s’institutionnalise quittant les ateliers des artisans, la fonction éducative du musée est donc un élément essentiel dans sa constitution. L’importance des enjeux attachés à ces écoles et musées d’arts industriels est d’ailleurs bien reflétée par les subventions fédérales dont ils bénéficient précisément en Suisse à partir de 1885. En mettant à disposition du public des modèles de formes ou de décor, mais aussi des informations sur la technique et les matériaux utilisés, le musée devient indispensable pour l’évolution et la progression des arts décoratifs à Genève.


De plus, le musée joue aussi le rôle d’une mémoire collective pour les arts décoratifs genevois. Pour cela, de nombreux objets prestigieux anciens prêtés par des particuliers sont exposés de manière temporaire pour attirer les visiteurs locaux. Car comme Georges Hantz le déclare : « la véritable exposition pratique et sérieuse est l’exposition nationale parce qu’elle prouve et démontre aux étrangers, comme aux nationaux la force de production d’un pays » (Deblüe 2015, 90). Ainsi, le musée constitue une vitrine des producteurs par les objets présentés et du savoir-faire suisse et en particulier genevois. Pour cette raison, le musée des arts décoratifs répartit ses objets dans plusieurs salles dénommées respectivement : la salle Amélie Piot consacrée aux dentelles ; la salle Louis Ormond dédiée à la photographie ; et la salle des tissus dont les collections présentées sont diverses. De cette façon, pour promouvoir les industries des arts décoratives genevoises, le musée présente de manière régulière des expositions nationales destinées à attirer les visiteurs, dont certaines à grand succès comme celle de 1915 : « la nuit de l’Escalade de 1602 ». Plus important, dès 1917, le musée organise jusqu’à sept expositions portant respectivement sur la céramique, la guerre mondiale, les broderies de laine, et notamment, sur la peinture sur émail, savoir-faire traditionnellement genevois. De plus, dès 1918, le musée saisit l’occasion de mettre en valeur le savoir-faire genevois et nomme, dans cette optique, des membres issus du milieu professionnel artistique suisse dont un représentant de « la Section de Genève de la Société des peintres et sculpteurs suisses » et un autre représentant à la tête de la présentation de « la Section des Beaux-Arts de l’institut national genevois ». L’importance de ce musée à Genève est d’ailleurs confirmée par la volonté de regrouper, dans le futur, les arts décoratifs et les beaux-arts dans un même bâtiment. Ce regroupement physique attendra néanmoins 1910 et l’ouverture du Musée d’art et d’histoire, où seront notamment réunies les collections du Musée Rath et celles du Musée des arts décoratifs.


Ill 3 : Affiche de l’exposition universelle de 1906 à laquelle la Suisse a participé, c’est aussi l’occasion de l’inauguration du Tunnel du Simplon.


Mais les acquisitions ne se limitent pas à ces reproductions et à ces démonstrations technologiques. Elles s’enrichissent grâce au réseau européen dans laquelle le musée s’établit comme un prolongement du marché direct, car dès la conception du musée, l’importance du contexte international est directement perceptible. En effet, de nombreuses personnes fondatrices du musée se sont livrées à des enquêtes en Suisse et en Europe afin d’étudier ce qui se faisait à ce moment, tel qu’à Lausanne, Zurich, Paris, Bruxelles, Stuttgart, et Londres. Cela est visible au travers des différents rapports du premier directeur sur les voyages qu’il a effectués avant et après l’ouverture du musée. Notamment, afin d’étoffer la série de céramiques, une branche pour laquelle un développement est souhaité à Genève, Hantz fait d’importantes acquisitions. Par exemple, lors de l’Exposition universelle de 1889, des pièces japonisantes sont acquises, ou encore lors de l’Exposition de 1892, des pièces signées des grands noms français viennent enrichir la collection. Alors que le musée s’est inspiré du contexte international pour sa fondation, il a également été représenté internationalement par la suite. En effet, le musée des arts décoratifs de Genève a été présent à diverses expositions universelles dont celle de Milan en 1906, et répond donc à la nécessité de représenter la Suisse en matière d’innovations et de recherches industrielles dans les domaines des arts décoratifs.


Amel Ducret-Kouider & Anne Vernain


Bibliographie


Buyssens, Danielle, « Musées et vie artistique à Genève, de la Restauration à la fin des années 1820 », in Irène Herrmann (dir.), Quand le monde a changé... L'entrée de Genève dans la Confédération helvétique, Genève, Georg, 2016, pp. 283-325.


Buyssens, Danielle, « Voir ce qui se fait ailleurs. Les premières années du Musée des arts décoratifs de Genève », in Frédéric Heuber et Sylvain Wenger (dir.) Regards Croisés sur les Arts à Genève (1846-1896): De la Révolution radicale à l’Exposition nationale, Genève, Georg, 2019, pp. 237-265.


Debluë, Claire-Lise, Exposer pour exporter : culture visuelle et expansion commerciale en Suisse (1908-1939), Neuchâtel, Alphil-Presses universitaires suisses, 2015.

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