Des plateformes de confrontations globales dans un contexte de compétition économique et politique dynamique.
Ill. 1. Fougère, Exposition universelle de 1878, le panorama des palais, v. 1878, chromolithographie, 145 x 195 cm, Paris, Musée Carnavalet. Numéro d’inventaire: G.38634. © Photo RMN-Grand Palais – Bulloz.
Les arts décoratifs alimentèrent de nombreuses réflexions de par un regain de sensibilité à leur égard au dix-neuvième siècle. Les arts dits mineurs furent sujets à une nouvelle attention, l’objet étant alors considéré non plus uniquement comme le témoin d’un savoir technique, mais bien comme le témoin de toute une époque. Alexandre du Sommerard (1779-1842) créa, dans cette dynamique, la première period room, une chambre ayant pour vocation de recréer l’ambiance d’une époque grâce au mobilier, aux textiles et à toutes sortes d’objets décoratifs. Les visiteurs de ces espaces furent amenés à percevoir les objets exposés comme les symboles d’un style lié à leur époque et cela induisit une grande question allant agiter tout ce siècle : quel est le style représentant le XIXe siècle ?
Ill. 2. H.J. Toudy & Co., Bird’s Eye View, Centennial Buildings Fairmount Park, Philadelphia, 1876, chromolithographie © The Library Company of Philadelphia.
Les artistes mélangeant divers styles, les objets produits au début du XIXe siècle furent plutôt éclectiques. Ce chaos au sein des arts décoratifs fut relevé lors de la première Exposition Universelle en 1851 à Londres. En effet, c’est lors de cette grande manifestation, organisée dans le Crystal Palace de Joseph Paxton (1803-1865), permettant à la Grande Bretagne et aux nations participantes d’exposer leurs produits, qu’une prise de conscience eut lieu dans le domaine des arts décoratifs : le style étant déterminé par l’ornement, ce dernier devait par conséquent détenir une place centrale dans les réflexions. Une critique fut alors soulevée : l’unité stylistique des objets exposés faisait défaut.
Mais pourquoi l’éclectisme était-il si présent ? Le système de l’Ancien Régime et celui des commandes s’étant effondré, les bourgeois souhaitaient imiter les élites du passé et cherchaient alors un style particulier, issu de ce passé : les ornements furent donc amenés à se mélanger et cela produisit une confusion stylistique.
C’est donc dans ce contexte que les expositions universelles naquirent. Étant donné que chaque nation exposait ses propres productions, le public fut amené à découvrir d’autres cultures et d’autres styles. La question d’un style national devint alors importante, chaque pays cherchant à se distinguer des autres. Le système des pavillons nationaux apparut en 1867 et permit de montrer à la fois l’architecture de cultures non occidentales et des objets ornés selon d’autres styles. Ce sont les objets islamiques qui contribuèrent alors grandement aux réflexions sur l’ornementation, cette dernière étant importante, car c’est à elle qu’incombait la détermination du style. L’exposition d’objets ethnographiques alimenta également la réflexion sur l’émergence de l’ornementation, domaine qui interrogeait aussi le rapport entre l’art et l’industrie. De plus, le goût propre de chaque nation fut relevé et questionné, et dans le contexte compétitif des expositions universelles du XIXe siècle, la France perdura pendant des décennies comme pays dominant en terme de goût, face à l’Angleterre notamment. Cela étant dit, à côté des pays européens, c’est la fraîcheur des produits extra-européens qui fut révélée et qui constitua, entre autres, le succès de ces manifestations.
Ill. 3. Eugène Trutat, photographie prise depuis la colline de Chaillot, 1900, plaque négative au gélatino-bromure d’argent, 9 x 12 cm © Toulouse, Muséum de Toulouse.
Ainsi, les expositions universelles donnèrent une visibilité à ce qui se faisait ailleurs et permirent au public – dont des artistes, des artisans, des architectes ou tous autres corps de métiers concernés par les questions de l’ornement et du style – de découvrir des objets d’autres cultures. L’étude de ces objets ainsi que leur accès facilitèrent la redécouverte de techniques et de matériaux traditionnels, ce qui stimula la recherche de techniques différentes. L’aspect international de ces grandes manifestations induisit par conséquent un esprit fortement international des arts décoratifs, ce qui eut pour effet de catalyser les réflexions sur ces arts que l’on peut également nommer industriels, liant de cette manière la vocation à la fois technologique et artistique des expositions universelles.
Clara May
Bibliographie et webographie
Auteur inconnu (un ingénieur ?), L’exposition de 1889 et la tour Eiffel, d’après les documents officiels, éd. Gombault et Singier, Paris, 1889.
Union centrale des arts décoratifs, Musée des arts décoratifs, Le Livre des expositions universelles : 1851-1889, Paris, Éditions des arts décoratifs - Herscher, 1983.
Gere, Charlotte, « European Decorative Arts at the World’s Fairs : 1850-1900 », in The Metropolitan Museum of Art Bulletin, vol. 56, no. 3, 1998.
Site « Passerelle(s) », « Les expositions universelles » [en ligne] (consulté le 4 mai 2020).
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