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L’Exposition Universelle de Paris en 1878

Dernière mise à jour : 22 juin 2020

Un essor des arts décoratifs, et particulier dans le domaine de la céramique, procédé relativement simple, robuste, peu cher, hygiénique et dont les couleurs résistent au temps.


Ill. 1. J. E. Goosens, Panorama des palais de l’Exposition, vue de l’Exposition Universelle de Paris 1878, v. 1878, chromolithographie, 55.3 x 80 cm (éditeur : Frédéric Wentzel, Paris).


L’Exposition universelle de Paris en 1878 s’inscrit dans une dynamique de relance de l’économie française suite à sa défaite lors de la guerre franco-prussienne en 1870. La France souhaitait alors montrer qu’elle restait une grande puissance et décida d’organiser une exposition universelle. Cette manifestation internationale, dont le thème était dévolu aux nouvelles technologies, fut la troisième qui se tint à Paris. Comptant environ 16 millions de visiteurs, elle fut considérée comme un succès.


Ill. 2. Adolphe Block, La Rue des Nations de l’Exposition Universelle de 1878 à Paris, 1878, photographie positive sur papier albuminé d'après des négatifs sur verre au collodion. Source gallica.bnf.fr /BnF.


Dans le cadre de l’organisation de cette Exposition universelle, différentes constructions furent réalisées afin d’accueillir les visiteurs en leur facilitant l’accès à la foire et afin de constituer des espaces d’exposition (ill. 1 et 2): la gare du Champ-de-Mars fut ainsi agrandie par l’architecte Juste Lisch (1828-1910), le Champ-de-Mars accueillit son « palais du Champ-de-Mars », également appelé « palais de fer », une vaste serre rectangulaire d’environ 400'000 mètres carrés conçue essentiellement en verre et en fer par l’architecte Henri de Dion (1828-1878), puis par Léopold Hardy (1829-1894). La butte de Chaillot, quant à elle, accueillit le palais du Trocadéro (ill. 3), un édifice de style éclectique à consonance néo-byzantine, réalisé par l’architecte Gabriel Davioud (1824-1881). L’importance du décor dans ce palais est à relever, notamment son ornementation polychrome. Prévu pour survivre à cette exposition universelle, le Trocadéro fut toutefois partiellement détruit en 1935 pour laisser la place au palais de Chaillot.


Conçue comme une foire internationale dont la vocation de chaque nation était de montrer ses progrès technologiques et sa virtuosité artistique, de nombreux domaines furent exposés. Ce fut donc le cas des arts décoratifs, pour lesquels cette exposition universelle peut être considérée comme un tremplin. En effet, si cette manifestation permit un essor des arts décoratifs, ce fut en particulier dans le domaine de la céramique. Étant un procédé relativement simple, robuste, peu cher, hygiénique et dont les couleurs résistent au temps, ce n’est pas un hasard si la céramique connut un grand succès lors de cette exposition. Il faut ainsi la replacer dans le contexte plus large du XIXe siècle : ce dernier fut celui des fouilles archéologiques, fouilles qui révélèrent que l’architecture antique était, en réalité, peinte et polychrome. Cette découverte produisit par conséquent un« choc » pour le classicisme et pour ses théories qui voyaient dans le marbre blanc antique le sommet de la pureté et de l’élévation de l’esprit, remettant ainsi ces idées en question.


Dans ce cadre, l'architecte allemand Gottfried Semper (1803-1879), qui avait promu la thèse de la polychromie dans les années 1830, comprit cette dernière comme une nouvelle manière de percevoir le « génie des Anciens », considérant surtout qu’elle pouvait se prêter à une utilisation contemporaine. En se basant sur la théorie de la polychromie antique, Gottfried Semper tenta de dissoudre la séparation néo-classique entre arts supérieurs et arts inférieurs.


Ill. 3. Adolphe Block, Le palais du Trocadéro, Exposition Universelle de 1878, 1878, photographie positive sur papier albuminé d'après des négatifs sur verre au collodion. Source gallica.bnf.fr /BnF.


La figure de Paul Sédille (1836-1900) est alors intéressante dans ce contexte et par rapport à cette Exposition universelle de 1878. En effet, architecte et théoricien de la polychromie architecturale, il s’appuya sur l’œuvre de Gottfried Semper pour ses travaux. Très actif de 1870 à 1890, il écrivit de nombreux articles sur l’évolution de l’architecture de son temps, réalisant lors d’un voyage en Espagne l’importance de la polychromie dans l’architecture. À l’Exposition universelle de 1878, c’est son travail avec le céramiste Jules Paul Loebnitz (1836-1895) qui est à relever : ils réalisèrent une porte monumentale en faïence (Ill. 4) récompensée par une médaille d’or.


Ill. 4. Jules Paul Loebnitz, panneaux décoratifs en faïence originellement réalisés pour l'Exposition de 1878, aujourd'hui au n°4 rue de la Pierre-Levée, Paris XI. Licence CC.


De cette manière, la thèse de la polychromie connut une large diffusion lors de cette exposition universelle. Et c’est la céramique qui se prêta alors le mieux, non seulement à la polychromie, mais également à toutes les préoccupations techniques et matérielles qui agitaient cette époque. En effet, la céramique ayant connu un grand développement tout au long du XIXe siècle, elle se perfectionna grâce à la collaboration entre différents corps de métiers, dont les poêliers, les faïenciers et les architectes et elle accéda alors progressivement à une plus grande noblesse, notamment grâce au remplacement du terme « terre cuite » par celui de « céramique » déjà quelques années avant cette exposition universelle. De par les métiers qui la développèrent, elle se destina ainsi à un emploi architectural mais également à un emploi artisanal. Cela met donc bien en lumière deux phénomènes parallèles liés à cette technique : le développement d’un artisanat d’art et la naissance d’une industrie céramique.


Les objets décoratifs exposés lors de cette exposition (vases, assiettes, coupes et autres plats décoratifs) révélèrent alors des goûts hétérogènes, qu’ils fussent persans, japonisants, néo-grecs, ou encore néo-renaissants. Mais c’est l’emploi architectural de la céramique qui fut la réelle innovation lors de cette exposition universelle. Ainsi, l’exemple le plus marquant est celui de la porte des Beaux-Arts de Paul Sédille et de Jules Paul Loebnitz, une réalisation de douze mètres de haut toute en céramique, dont les couleurs furent largement admirées. Elle peut alors être considérée, à l’image de la vocation des expositions universelles au XIXe siècle concernant les arts décoratifs, comme un symbole de l’union de l’art et de l’industrie.


Nous pouvons finalement dire que l’Exposition universelle de Paris en 1878 servit de « tremplin » pour les arts décoratifs et qu’elle stimula l’usage de la céramique, étant donné qu’elle alliait les préoccupations et les goûts de cette époque, à savoir l’innovation technique, la praticité d’emploi, un coût de production bas et une dimension hygiénique, tout en s’intégrant dans la diffusion des idées liées à la thèse de la polychromie de ce siècle.


Clara May



Bibliographie et webographie :


Guide-souvenir de l’exposition universelle, Paris, Imp. H. Laas, 1878 [en ligne] (consulté le 02/04/2020).


Isay, Raymond, « Panorama des expositions universelles : V : l’exposition de 1878 », Revue des Deux Mondes (1829-1971), vol. 38, no. 4, 1937, pp. 896-923 [en ligne] (consulté le 20/04/2020).


Gere, Charlotte, « European Decorative Arts at the World’s Fairs : 1850-1900 », The Metropolitan Museum of Art Bulletin, Vol. 56, no. 3, 1998 [en ligne] (consulté le 15/04/2020).


Nègre, Valérie, L’ornement en série, Architecture, terre cuite et carton-pierre, Hayen, éd. Mardaga, 2006.

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