L'échec de la participation suisse à l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris.
Ill. 1. Vue de l’Exposition internationale des arts décoratifs de Paris, 1925, carte postale d'époque.
La participation suisse à l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris (ill. 1) ne peut être que vue comme un échec. De l'organisation à la présentation finale, l'événement parisien représente pour la Confédération un véritable rendez-vous manqué.
Tout d'abord, l'organisation de la participation suisse est compliquée par des tensions institutionnelles. Deux instances se disputent la direction des travaux de la section : l'Office central pour les expositions (OCSE), traditionnellement chargé de la section suisse de toutes les expositions
universelles depuis 1908, et la Commission fédérale des arts appliqués (CFAA), responsable des expositions d'arts appliqués depuis 1919. La nature inédite de l'Exposition de Paris, qui demande la collaboration des artistes et des industriels, ne favorise aucune des deux institutions. L'OCSE est finalement chargé des questions administratives et la CFAA de la partie artistique de la section, mais cette division a pour effet de démobiliser une partie des industriels suisses et affecte l'efficacité de la commission.
Ensuite, la présentation suisse à l'Exposition de 1925 souffre d'un manque d'homogénéité. Éclatée en plusieurs lieux (le Grand Palais, l'Esplanade des Invalides et le Pavillon de la Suisse), la section peine à représenter la production helvétique par un ensemble cohérent et certaines décisions de la
commission aggravent la situation. Sur les cent trente exposants présentés au Grand Palais, quatre-vingts inclassables sont simplement catégorisés comme « divers » et, alors que le règlement français l'exigeait, la Suisse renonce à présenter des ensembles mobiliers unitaires et propose à la place une série de vitrines disparates.
Ill. 2. Robert Rittmeyer (architecte), Vue du Pavillon Suisse à l’Exposition internationale des arts décoratifs de Paris, 1925, carte postale d'époque.
Enfin, la commission tente de répondre à ce manque d'homogénéité par la création du Pavillon de la Suisse, chalet traditionnel réinterprété avec des matériaux contemporains, mais le bâtiment ne parvient pas à séduire le public (ill. 2). Décrié par les défenseurs de la tradition et critiqué par ses détracteurs, le pavillon est jugé en décalage avec le reste de l'exposition et son intérieur entièrement dédié au tourisme n'améliore pas sa réception. Deux jours après l'ouverture de l'exposition, le pavillon suisse ferme ses portes et ne rouvre que deux mois plus tard, après un changement de nom (il devient le Pavillon du Tourisme Suisse) et quelques modifications mineures de son intérieur qui n'arrivent pas à faire oublier la mauvaise première impression.
La participation suisse à l'Exposition de Paris en 1925 fait tâche dans une exposition qui se veut moderne. Gangrenée par des tensions institutionnelles, fruits d'une incompréhension de la nature inédite de l'événement, la commission helvétique propose finalement une série de vitrines disparates qui échoue à représenter la production suisse dans son ensemble et un pavillon dont la seule qualité est de déplaire à tout le monde.
Léto Alt
Bibliographie
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Exposer pour exporter : culture visuelle et expansion commerciale en Suisse
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