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L'École des arts industriels

Dernière mise à jour : 22 juin 2020

Un rôle primordial pour la reconnaissance des arts industriels Suisse sur la scène internationale.


À Genève à la fin des années 1860, plusieurs constats révélèrent des faiblesses dans l’enseignement des arts, et plus généralement, dans un contexte de compétitions entre nations stimulé par les expositions universelles, la Suisse perçu son retard dans les domaines des arts industriels.

Quels furent les « moyens de remédier à l’état des choses » ? C’est alors que la solution a été de repenser le système de l’enseignement du dessin et la création de nouvelles écoles, en commençant par une école d’arts appliqués à l’industrie en 1869. Mais malgré cela, en 1873, des délégués envoyés par la Société des arts à l’Exposition universelle de Vienne ont à nouveau constaté l’infériorité de la Suisse en matière d’arts industriels.

« La Suisse se contentait de fabriquer sans goût les objets du strict nécessaire. Les expositions de 1867 et de 1873 lui ont ouvert les yeux (...) » (Grand-Cartheret 1879, 72)

Face à ce nouveau constat, une dizaine d’artistes et d’industriels se rassemblèrent pour proposer la création d’une école et d’un Musée d’arts industriels. Mais faute de budget, il fallut attendre 1876 pour que l’idée de la création de l’école et du musée soit relancée. Une commission s'engagea à organiser la nouvelle institution et envoya trois personnes à Paris, avec pour missions d’étudier les industries artistiques du bronze, de l'orfèvrerie, ainsi que d’acquérir des œuvres pour former un musée d’art industriel, et finalement d’entrer en contact avec des personnes de référence. C’est alors qu’ils rencontrèrent le sculpteur Jules Salmson (1823-1902). Ce dernier étudiait lui-même depuis quelques années la possibilité d’établir à Paris une école d’arts décoratifs avec une orientation autant pratique que théorique (Ripoll 2001, 263). Jules Salmson fut donc proposé au Conseil d’État pour diriger la future école et fut nommé le 2 février 1877.


L’École des arts industriels fit sa première rentrée en 1877 dans les locaux de l’ancienne brasserie Thomas à St Jean (Grand-Cartheret 1883, 418) en attendant l’ouverture en 1878 d’un bâtiment spécialement conçu pour elle (ill. 1), au boulevard James-Fazy, sur les espaces laissés libre par la destruction des anciennes fortifications. Les architectes Henri Bourrit (1841-1890) et Jacques Simmler (1841-1901) réalisèrent un édifice à l’apparence classique, d’inspiration parisienne, mais également fonctionnel afin de permettre l’organisation d’ateliers. Bourrit s’était formé d’abord à Paris puis à Zurich, à l’Ecole polytechnique où il avait été élève de Gottfried Semper (180-1879) (Ripoll 2001, 264).

Ill. 1. Henri Kunkler, Jules Hébert, École des arts industriels, après 1878, 297 x 418 mm, gravure, inv. 2015-006 E 28, Centre d’iconographie genevoise, Bibliothèque de Genève.


En 1877 pour la première année de fonctionnement de l’école, seules quatre classes furent ouvertes : modelage, sculpture sur bois, ciselure, orfèvrerie et bijouterie, ainsi qu’un atelier de montage et de bronzage. L’année suivante une nouvelle classe de sculpture sur pierre ouvrit. En 1879 l’école était la plus importante de Suisse avec un total de 275 élèves répartis dans sept classes (Champier 1902, 360) :


Classe de figure et ornement, 81 élèves,

Classe de ciselure, 22 élèves,

Cours de ciselure (soir), 48 élèves,

Classe de sculpture sur bois et pierre, 21 élèves,

Classe de retouche du plâtre, 17 élèves,

Classe de céramique (femmes), 77 élèves,

Classe de céramique (hommes), 9 élèves,

Ill. 2. Photographie prise par Eugène Grasset lors de sa visite à l'école des arts industriels de Genève en 1907, in Eugène Grasset, « École des Arts industriels de Genève », Art et décoration, tome 26, 1909, p. 64. Source gallica.bnf.fr / BnF.


Cette formation professionnalisante engendra des commentaires positifs au delà même des frontières nationales. Dès 1883, le critique d’art Parisien Eugène Véron (1825-1889) rédigea une chronique complète sur l’enseignement des arts industriels en Suisse, en insistant sur l’avance prise par Genève et le rôle de l’École des arts industriels :

« Ce qui distingue l'École des arts industriels genevoise entre toutes celles du même genre, c'est qu'on y rencontre les démonstrations pratiques poussées au plus haut degré de précision et de suite » (Grand-Cartheret1883, 420).

En 1907, Eugène Grasset (1845-1917) entreprit une visite de cette école et remarqua aussi l’efficacité de l’enseignement proposé :

« (...) l'École des Arts industriels [de Genève] en est la preuve, que d'intéressants résultats sont obtenus et que, parmi les élèves sortants, beaucoup d'entre eux connaissent assez un métier pour que leur entrée dans l'industrie en soit très facilitée » (Grasset1909, 68). Mais en même temps, il souligna une certaine désorganisation en raison d’un manque de cohésion entre les ateliers due à l’absence de direction générale.


Ill. 3 Ecole des arts décoratifs de Genève, Méroz et Collet ?, Meuble d'angle, 1899, bois de noyer sculpté et ajouré, éléments de bronze doré, ébénisterie et sculpture, 223 cm x 166 cm x 73 cm prof., n° d'inventaire AA 2008-0078 © Musées d'art et d'histoire, Ville de Genève. Photographes : Bettina Jacot-Descombes / Flora Bevilacqua.


Dès ses premières années, l'École des arts industriels de Genève accéda à une certaine notoriété. Elle participa avec succès aux expositions, d’abord en Suisse, avec en 1883 un premier prix remporté en céramique à l’Exposition nationale de Zurich (Cérémonie de distribution des prix 1879, 5), puis un autre prix à l’Exposition universelle de Paris en 1889. Mais d’après les commentaires élogieux que l’on retrouve dans la presse suisse comme française, c’est à l’Exposition universelle de Paris de 1900 que cette notoriété se confirma, avec la présentation d’une salle à manger réalisée par les élèves de l’école et dont le Musée d’art et d’histoire de Genève conserve aujourd’hui une partie (ill. 3). Le rôle de l'École des arts industriels a donc été primordial pour la reconnaissance des arts industriels Suisse sur la scène internationale.


Benoît Versace



Bibliographie

Champier, Victor, « Beaux-arts en France et à l’étranger », L’Année artistique, A. Quantin, Paris, 1879.


Champier, Victor, Les industries d’art à l’Exposition universelle de 1900, Bureaux de la revue des arts décoratifs, Paris, 1902


Rambal (Laurent ou Joseph?), « Discours au nom de la commission de surveillance de l’école», in Cérémonie de distribution des prix, Genève, École des arts industriels, 1879.


Grand-Cartheret, John, Les arts industriels en Suisse, Paris, Morel, 1879.


Grand-Cartheret, John, « Chronique hebdomadaire des ateliers, des musées, des expositions, des ventes publiques », Courrier de l’art, n°35, Paris, 30 août 1883, pp. 418-421.


Grasset, Eugène, « École des Arts industriels de Genève », Art et décoration, tome 26, 1909, pp. 63-68, [en ligne] (consulté le 31/05/2020).


Lourdin, Mathieu, Historique des écoles d’art : collecte de textes relatant l’histoire et l’évolution des écoles d’art à Genève, Genève, Haute école d’art et de design, 2012.


Ripoll, David, « Genève, Saint-Gervais, du bourg au quartier », in Winiger-Labuda, Anastazja (dir.) Les monuments d'art et d'histoire du canton de Genève ; t. 2 (Les monuments d'art et d'histoire de la Suisse) vol. 97, SHAG, Berne, 2001.


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